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LE MYSTÈRE DES MILLE-ÎLES

combinaisons. C’est pourquoi, ils désiraient contribuer de toutes leurs forces à l’évasion du jeune couple. Après, ils s’arrangeraient comme ils le pourraient. Et, en premier lieu, ils entendaient bien dire son fait à leur fils.

— J’suis sûr, disait l’homme, que c’est pas un méchant garçon, malgré tout. Il a été entraîné par les autres. Mais j’vas lui faire passer ça.

La journée s’écoula ainsi, dans une activité fiévreuse.

Le soir venu, les réparations étaient enfin terminées. Mais un dernier examen démontra à l’aviateur que le mécanisme d’envol était faussé.

Comme il était bien tard, il ne fallait pas songer à le réparer avant le lendemain matin. Cela ne devait pas prendre beaucoup de temps et l’on pourrait partir avant vingt-quatre heures. La libération approchait.

— Pourvu qu’il ne survienne rien de fâcheux, auparavant, dit Hughes.


— V —


Pour assurer la sécurité de la nuit, l’aviateur prit des dispositions semblables à celles de la veille.

Seulement, afin d’être prêt à toute éventualité, il décida de ne pas dormir.

Il fit coucher Renée et il s’étendit lui-même sur un fauteuil, dans la chambre de la jeune femme.

Les deux amis causèrent longuement de leur situation. Hughes s’efforçait de dissiper les inquiétudes de sa compagne, lui affirmant que, le lendemain soir, ils seraient en sûreté.

Vaincue par la fatigue et les émotions, Renée finit par sombrer dans le sommeil.

Hughes ne bougeait pas, de peur de l’éveiller.

Rien ne troublait le silence, si ce n’est le souffle léger de la dormeuse et le bruit des vagues battant les rochers de la côte.

L’immobilité, les ténèbres et la paix environnante engourdissaient Hughes, qui, au surplus, avait subi beaucoup de fatigue, depuis quarante-huit heures, sans prendre de repos appréciable.

Le sommeil le gagnait, malgré ses efforts pour se tenir éveillé.

Enfin, sa tête se pencha sur sa poitrine. Il était dans cet état de grand bien-être, qui n’est pas le sommeil complet, mais la somnolence, c’est-à-dire l’engourdissement des sens et des facultés intellectuelles, au cours duquel on perd la conscience du monde extérieur, mais en partie seulement. Les impressions venues du dehors ne parviennent à l’esprit qu’en traversant les brumes des songes et elles se confondent avec le rêve naissant pour former un mélange de réel et de fantastique que l’intelligence assoupie ne peut facilement dissocier.

Hughes s’était ainsi mis à rêver à son évasion prochaine : il la vivait en songe. Son subconscient lui suggérait donc les images que faisaient naître, d’un côté, sa grande préoccupation de l’heure et, de l’autre, les manifestations de la matière que percevait ses sens à demi engourdis, c’est-à-dire la respiration de Renée et le clapotis des vagues.

Il se voyait dans un yacht fuyant loin de l’île avec sa bien-aimée, vers la liberté, vers un endroit sûr.

La représentation était parfaite au dedans de lui ; il lui semblait ressentir le roulis de l’embarcation et, surtout, entendre le bruit du moteur.

Ce bruit devint même si distinct qu’il prit le pas sur les fantasmagories du rêve ; dans son état de demi-conscience, les sens reprenaient le dessus ; ils retrouvaient toute leur force de perception et, en même temps, ses facultés psychiques secouaient le voile du songe. En un mot, Hughes s’éveilla tout à fait.

Il s’aperçut alors que le bruit du moteur était réel. Comme la nuit précédente, un yacht s’approchait de l’île.

L’aviateur se dit que le moment de la bataille suprême était sans doute venu. L’agent de Jarvis avait dû aller chercher du renfort et il revenait pour mettre fin définitivement à la tentative d’évasion.

Prenant son revolver dans sa main, Hughes s’approcha de la fenêtre.

La lune jetait une lueur blafarde, mais assez vive pour permettre de distinguer plusieurs détails du paysage.

Le jeune homme put donc voir le yacht aborder, cinq hommes en descendre et se diriger vers le logis du gardien.

Après plusieurs minutes, ils reparurent, accompagnés de ce dernier et se dirigèrent vers la façade du château.

Hughes pensait qu’ils venaient donner l’assaut. Mais il était sans crainte. Toutes les portes étaient bien verrouillées et, avant que l’ennemi pût forcer la place, l’assiégé