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SAINT-CASTIN CHEZ LES SAUVAGES

de Mme de Guercheville et de ses protégés, « qui fit tant de bruits, de plaintes et de crieries ».

Reconnaissant enfin ses torts, la belle marquise décida de fonder un autre établissement, dont elle confia la direction au capitaine marchand Le Coq, sieur du Saussay. En mars 1613, Le Coq appareillait de Honfleur sur la Fleur-de-May, 100 tonneaux, avec 30 personnes à bord, dont le frère du Thet et le père Quentin. En passant à Port-Royal, il s’empara de toutes les réserves et provisions, laissant les premiers colons à leur malheureux sort. On s’en allait aux Monts-Déserts de Pentagoët, fonder un poste sous le nom de Saint-Sauveur. Les Jésuites comptaient y créer un autre Paraguay. Mais, comme ceux de Port-Royal dont ils se moquaient, ils ne possédaient pas les moyens d’asseoir solidement leur création. Le 15 juillet, le forban Argall détruisait tout, à Saint-Sauveur comme à Port-Royal.

Des Français se répandirent parmi les sauvages. Charles de Biencourt resta, établissant des postes de traite centralisés à Port-Royal, troquant les pelleteries contre les marchandises apportées par les bateaux de pêche : il en venait de France près de 2 000 chaque année. Les Malouins de Dupont-Gravé lui faisaient la concurrence dans un fortin, à 6 lieues en amont de la rivière Saint-Jean. Une société bordelaise éleva aussi des entrepôts. Ainsi l’Acadie renaissait-elle de ses cendres.


Biencourt mort. Latour, ancien valet de Poutrincourt, paraît et réclame l’héritage. Le garçon sait y faire. Il embrouille si bien les cartes, il se livre à tant de micmacs avec lord Stirling et ses « baronnets de la Nouvelle-Écosse » qu’il émerge bientôt de l’aventure baptisé lord Saint-Stephen et propriétaire d’une bonne partie de l’Acadie. Une nouvelle incursion des Anglais, sous les frères anglo-normands Kirke, n’a servi qu’à l’enrichir.

Le traité de Saint-Germain-en-Laye rend l’Acadie à la France. Razilly s’en vient pour accomplir son admirable œuvre de colonisation : avec son lieutenant et successeur, Aulnay, il implantera 300 familles de colons, noyau de la race acadienne.

En secret, Latour s’entend avec les Anglais, puis fait le bon apôtre auprès de Razilly, qui, ne se doutant de rien, le charge de reprendre Pentagoët avec Aulnay. Latour, loin de se rallier à son compagnon, prévient les Anglais