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SAINT-CASTIN CHEZ LES SAUVAGES

Paris une paroisse, Saint-Pierre-aux-Bœufs, où les jeunes gens se mariaient sans le consentement de leurs parents. C’est là que le comte de Frontenac, gouverneur de la Nouvelle-France, avait épousé l’éblouissante Anne de la Grange-Trianon après l’avoir proprement enlevée.

Jean-Vincent d’Abbadie avait observé la coutume abénaquise. Pouvait-il agir autrement, quand il n’y avait pas de prêtre dans la région ? L’évêque avait simplement régularisé la situation. Mais le juge Labaig invoqua la procédure comme d’abus, arguant que l’Église avait consacré une bigamie. C’était chicane mesquine de la part d’un administrateur malhonnête, peu désireux de rendre compte de sa gestion 21


— VI —


L’Abénaquis Saint-Castin. — Saint-Castin, pour tous les actes de sa vie extérieure, était devenu abénaquis.

Il fut un Abénaquis loyal et fidèle. Entendons qu’il prit à cœur les intérêts de ses nouveaux compatriotes. D’autant que ces intérêts se confondaient avec les siens.

Le baron béarnais restait un civilisé. Il avait des besoins ignorés de ses hôtes primitifs bien qu’ils eussent eux-mêmes goûté à certains fruits de la civilisation. En relations avec les blancs depuis des générations (ils recevaient des pêcheurs même avant les voyages de Jacques Cartier), ils avaient oublié le pur état de nature où avaient vécu leurs lointains ancêtres. Chez eux se manifestaient des appétits que les productions spontanées de la forêt et de la mer ne pouvaient entièrement satisfaire.

Le commerce, sous la forme de la traite, suppléait à l’apport naturel, aussi bien pour le baron que pour les indigènes. Jean-Vincent se fit commerçant : le commerce dans les colonies n’était pas une déchéance pour un gentilhomme. Nous avons vu, par la citation de La Hontan et d’autres témoignages, qu’il fut un remarquable traitant. Les bénéfices de ses échanges ne se réalisaient pas tous en or et le trésor de Saint-Castin n’avait pas la forme que lui prête l’auteur du Nouveau voyage. En tout cas, Saint-Castin disposait de ressources imposantes.

Comment, perdu dans son désert, échangeait-il ses pelleteries ? Là encore, les renseignements sont maigres. On sait qu’il possédait des embarcations, suffisantes au moins pour le voyage de Boston. En vue du commerce