Page:Daviault - Le Baron de Saint-Castin, chef abénaquis, 1939.djvu/40

Cette page a été validée par deux contributeurs.
38
LE BARON DE SAINT CASTIN

femmes indigènes à la fois ». Or, la polygamie ne se concevait pas chez les Abénaquis. Sullivan n’y va pas avec le manche de la cuiller. N’ajoute-t-il pas : « Saint-Castin avait à sa suite de nombreux prêtres, dont les rites et les cérémonies inintelligibles avaient pour objet de tromper un peuple barbare ».

Mrs  Williams fait bon marché de ces racontars : « Les Anglais, écrit-elle (p. 101, note), dont l’intérêt était alors de représenter le baron comme une sorte d’épouvantail, lui attribuaient quatre ou cinq femmes à la fois ».

Sylvester affirme aussi qu’il ne faut pas croire les annalistes anglais, « vilipendant à plaisir la réputation de Saint-Castin, laquelle pouvait se comparer favorablement à celle de certains de ses détracteurs puritains. Saint-Castin était le Français le plus exécré par les Anglais de l’époque… The best hated Frenchman of his time » (vol. Il, p. 387). On lit de même dans la Massachusetts Historical Collection (vol. 9, p. 219) : « Saint-Castin était considéré, avec raison, comme l’ennemi le plus dangereux de la Nouvelle-Angleterre ». Enfin, Godfrey (p. 75) exprime cet avis : « Il n’existe aucune preuve qu’il eut plusieurs femmes ».

Saint-Castin, devenu veuf, se serait-il remarié, ainsi que le pense M. Leblant ? C’est fort douteux. Tout fait repousser l’hypothèse du mariage avec la sœur d’une concubine : l’évêque n’aurait pu autoriser une telle union.

En réalité, Saint-Castin, d’abord marié selon la coutume abénaquise, avait par la suite fait bénir son union par l’Église. Elle n’en était pas moins légitime. Chez les Abénaquis, le fiancé s’assurait des sentiments de sa future par l’offre de bracelets, d’une ceinture et d’un collier de coquillages. Si elle acceptait ces présents, les jeunes gens étaient fiancés. Après un temps d’épreuve, le mariage se célébrait en présence des chefs et des parents. C’était plus qu’il n’en fallait pour valider l’union aux yeux de l’Église, le prêtre n’étant, selon de nombreux théologiens, qu’un témoin chargé de constater les empêchements, le cas échéant, et le consentement mutuel des époux. Le Concile de Trente avait consacré le rôle du prêtre à cause des abus qui pouvaient résulter de son absence. Mais les règles de ce concile n’étaient pas appliquées en France et les mariages clandestins y étaient fréquents à la fin du XVIIe siècle. Il existait même à