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SAINT-CASTIN CHEZ LES SAUVAGES

peut-être innocente entre ces deux personnes distinguées, on fit un commerce honteux : on n’hésita même pas à imaginer une scène odieuse 19. Mme de Freneuse qui aimait un peu trop le plaisir devint, par les racontars de ces gens, la gourgandine la plus fieffée, si bien qu’elle dut fuir Port-Royal.

Saint-Castin se méfiait avec raison. Craignait-il les critiques trop acerbes de ses pairs à l’égard de sa mésalliance ? Il préférait laisser sa vie privée dans l’ombre.

Rien, dans la vie de Saint-Castin, n’autorise à croire à sa débauche. D’un autre côté, les mœurs des sauvages ne se prêtaient guère aux désordres imaginés par les ennemis de Jean-Vincent. Le mariage était inviolable, tant qu’il durait, aux yeux des indigènes, même si les jeunes gens jouissaient d’une liberté assez grande, encore qu’il ne faille pas croire les horreurs inventées par le hâbleur La Hontan sur le compte des filles indigènes. Les Pentagoëts, en particulier, étaient renommés pour la sévérité de leur conduite. Même les historiens qui leur gardent une rancune héréditaire en conviennent. Sylvester, par exemple, écrit (vol. II. p. 16) : « They were a notably moral people ».

Le juge Labaig tenait ses renseignements d’Acadie. Tout s’explique. Le gouverneur Perrot, dont nous reparlerons, détestait Saint-Castin et le poursuivait d’une rancune tenace, née d’une jalousie de commerçant.

Saint-Castin a souffert surtout des calomnies accréditées par les chroniqueurs puritains.

Voyant en lui leur bête noire, la cause de tous leurs maux, ils se répandaient en imprécations contre lui. Ils l’accusaient de cruauté, reproche plutôt risible de la part de gens dont la férocité s’exerçait même sur les leurs et qui n’hésitaient pas, à la fin du 17e siècle encore, à brûler des femmes soupçonnées de sorcellerie.

L’accusation de débauche était plus grave. Holmes écrit (vol. I, p. 401) : « Saint-Castin… a plusieurs femmes, en plus de la fille de Madokawando ». Hutchinson : « Il avait épousé plusieurs Abénaquises, en plus de la fille de Madokawando ». Adams, s’inspirant des Randolph Papers : « Saint-Castin, traitant français accapareur, menait une vie à demi-sauvage avec tout un choix de femmes indiennes, plus remarquables par leur nombre que par leur vertu ». Et James Sullivan 20 : « Pour mousser ses intérêts et satisfaire sa convoitise, il épousa six