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SAINT-CASTIN CHEZ LES SAUVAGES


— II —


La vie à la sauvage. — Au retour de Saint-Castin en Acadie, tout renaissait. Militaire, qu’aurait-il fait parmi les cultivateurs ? Ils voyaient les soldats avec non moins de défiance que les gouvernants. Ces soldats, comme les gouverneurs, leur attiraient les attaques des Anglais qu’ils étaient impuissants à repousser.

Qu’il le voulût ou non, seule la vie d’aventures dans les bois s’offrait à lui. Choisit-il cette existence par goût ? On n’en sait rien. À coup sûr, il n’avait pas le choix.

Chez les sauvages, un unique mode de vie s’imposait. Allaient-ils changer de mœurs, à cause d’un hôte accepté à titre bénévole ? L’étranger devait forcément s’y adapter. Bon gré mal gré, Saint-Castin s’adapta. C’est ce qu’exprimait l’abbé Louis Petit, curé de Port-Royal, dans une lettre à Mgr de Saint-Vallier : « Il passa en ce pais à l’âge de quinze ans, en qualité d’enseigne de Mr de Chambly ; et ayant été obligé à la prise de Pentagoët de se sauver dans les bois avec les sauvages, il se vit comme forcé de s’accommoder à leur manière de vie » 6.

Retenons de ce document que les circonstances eurent une influence décisive sur la destinée de Saint-Castin. Il n’y eut aucune préméditation de sa part. Que l’attrait de la vie primitive y ait contribué, n’en doutons pas. Un homme de sa trempe n’aurait pas accepté une existence déplaisante. Mettons qu’obéissant d’abord à une consigne, il finit par s’attacher à ce nouveau milieu.

Il y avait aussi le désir de faire fortune. Tant d’hommes, avant lui, avaient amassé de vastes richesses, par l’exploitation des pêcheries ou de la traite, en ce pays d’immenses possibilités. Jean-Vincent ne devait pas y manquer. Mais là n’avait pas été le motif déterminant de son départ pour le pays des Abénaquis, à la fin de 1674. À cette époque, un événement s’était produit qui aurait dû le rappeler dans le Béarn. Son frère aîné venait de mourir, sans enfant. Jean-Vincent héritait du titre et de biens considérables. Il n’était plus le cadet besogneux, forcé de se faire une situation. Son intérêt lui commandait d’aller recueillir une précieuse succession. La suite de son histoire montrera qu’en négligeant cette précaution, il s’attirait les plus graves ennuis. Il ne l’ignorait pas, soyons-en sûrs. Il savait aussi que, pour fonder une