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LE BARON DE SAINT CASTIN

Quand les Anglais constatèrent la rentrée en scène des Saint-Castin, leur rage ne connut plus de bornes. Au mois de juin 1721, les Abénaquis ayant protesté par écrit auprès du gouverneur anglais contre ses empiètements, Shute donna l’ordre d’arrêter Joseph, auteur du document (lettre de Vaudreuil au ministre, 17 octobre 1722, Archives du Canada, C11 E3 fo 226). La colère du Bostonnais s’accrut lorsque, la même année, Saint-Castin allait à Arrowsic en personne, avec Croisille et deux prêtres, signifier aux Anglais l’ordre de déguerpir (Baxter, p. 110).

À la fin de 1721, un bateau anglais mouillait dans la rade de Pentagoët. Le commandant, ami de Saint-Castin, l’invita à « rompre le pain » à son bord. À peine le jeune homme mettait-il le pied sur le pont que le navire levait l’ancre. Saint-Castin prit ainsi la route de Boston, où il fut jeté en prison avec les criminels de droit commun. C’était, écrit Sylvester, un enlèvement pur et simple ; mais les Anglais avaient l’habitude de ces méthodes.

La General Court traduisit le prisonnier devant les tribunaux ordinaires. Rempli de craintes, le Conseil de la colonie demanda plutôt de consulter des juristes sur la procédure appropriée, avis que rejeta la General Court. La controverse se prolongeait, à la grande satisfaction du conseil désireux de garder Saint-Castin à Boston, mais non pas d’aggraver une affaire où tous les torts étaient de son côté.

À la fin, une commission, créée tout exprès, interrogea le prisonnier, accusé de porter l’uniforme français et, suivant les ordres de Vaudreuil, d’inciter les Abénaquis à la révolte. Il répondit avec beaucoup de sens :

« Je n’avais pas reçu du gouverneur de la Nouvelle-France l’ordre de me rendre à Georgetown. J’ai toujours vécu avec les miens (ma mère était abénaquise) ; je suis leur chef. J’aurais manqué à mon devoir en refusant de faire partie d’une expédition d’une importance si considérable pour eux. Mon uniforme est celui de mon état. Ne suis-je pas lieutenant dans l’armée du roi de France ? J’éprouve la plus grande amitié envers les Anglais et je désire empêcher mes gens de les molester. Je m’efforcerai toujours de leur faire garder la paix. »

Mis au fait de l’enlèvement par le cadet d’Abbadie, Vaudreuil exigeait, dans une lettre du 22 décembre à son collègue de Boston, la libération du Franco-Abénaquis enlevé au mépris du droit des gens. Toujours cavalier, Shute n’accusa pas réception de cette lettre.