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DÉBUT DE L’AVENTURE

Comme dans toute guerre d’expansion commerciale, les Anglais avaient trouvé un prétexte apparemment légitime. Pour les besoins de la cause, ils avaient exhumé, de vieux grimoires, le récit de voyage du navigateur vénitien Jean Cabot, qui, envoyé par des marchands de Bristol, était sans doute venu dans les parages du Labrador et de Terre-Neuve, ne sachant pas trop où il se trouvait. Or, les pêcheurs basques et bretons, comme autrefois les vikings islandais, fréquentaient le Grand Banc depuis des siècles 5. Ils descendaient à terre, soit dans l’île de Terre-Neuve soit au Cap-Breton. Leurs droits étaient donc aussi sérieux que ceux de Cabot, et bien antérieurs. Le souvenir de Cabot fournissait néanmoins aux Anglais le prétexte rêvé. Ils en abusaient avec sans-gêne. À tout moment, même en temps de paix, ils lançaient des attaques contre la malheureuse Acadie, utilisant tantôt des troupes régulières, tantôt des forbans. La liste de ces attaques est édifiante.

Elle s’ouvre par le raid des Virginiens, en 1613. Ayant appris des Indiens l’existence de l’établissement français de Saint-Sauveur aux monts Déserts de Pentagoët, l’aventurier Samuel Argall se montre dans la rade avec un navire armé de quatorze canons et monté par une bande de soixante hommes. Il s’empare d’un petit navire, la Fleur-de-May, vole les lettres patentes de M. de la Saussaye, fondateur de la colonie ; pille et saccage l’habitation, massacre ou déporte les habitants. Quinze d’entre eux sont lancés en pleine mer sur une barque non pontée, puis sauvés contre toute attente par des pêcheurs malouins. Les autres sont amenés à Jamestown, où le gouverneur menace de les pendre, feignant de les considérer comme forbans, puisqu’ils n’ont plus leurs papiers volés par Argall. En octobre de la même année, mis en goût, Argall repart avec trois vaisseaux à destination de Saint-Sauveur, Sainte-Croix et Port-Royal. Ayant tout pillé ou brûlé, le triste sire s’enfuit quand paraissent des Français armés.

Ces actes de sauvage flibusterie perpétrés sans déclaration de guerre se renouvellent souvent dans ces parages par cette « gent maudite et abominable, pire que les loups, ennemis de Dieu et de la nature humaine », comme dit le bon Lescarbot.

En 1620, la France étant déchirée par les guerres civiles, Jacques 1er d’Angleterre taille sans vergogne à