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LE BARON DE SAINT CASTIN

Constatant la confusion de l’ennemi, Subercase envoya M. de la Boularderie avec 150 hommes renforcer Saint-Castin et « sauter dans un retranchement ennemi ». Subercase lui-même suivait avec « six-vingts hommes » afin de soutenir l’attaque, laissant Bonaventure au fort. « Il y eut à cet endroit un combat fort vif à coup de haches et à coup de crosses de fusil ». La Boularderie, blessé, s’effondra. Saint-Castin et l’enseigne de Saillans arrivèrent à la rescousse. L’ennemi commençait à plier quand, constatant que Saint-Castin et Saillans venaient aussi d’être blessés, il se ressaisit. Mais les deux officiers français, malgré leurs blessures, tinrent bon : ce qui fit hésiter les Anglais. Alors, un autre officier, nommé Granger, reforma la troupe de La Boularderie et chargea avec impétuosité. Les Anglais lâchèrent pied, ayant perdu plus de 200 hommes, affirma Subercase dans son rapport ; mais Belknap, avec une mauvaise foi évidente, ramène ce chiffre à quinze. Chez les Français, il y eut seulement quinze ou vingt blessés. Trois moururent et, parmi eux, M. de Saillans 8.

L’armée anglaise, rembarquée dans la confusion, rentra à Boston exténuée, découragée, honteuse. La ville, en rumeur, demandait la tête de March.

Dans le même temps, les Abénaquis menaient leur sarabande habituelle, parmi les établissements de la frontière. « Les colons, écrit Belknap, gagnaient leur pain au risque continuel de leur vie ». La culture devenait pour ainsi dire une impossibilité. L’élevage des bestiaux, le commerce du bois, la pêche, tout déclinait. Diéreville écrit à ce sujet (p. 122) :

« Les Abénaquis et autres Sauvages amis des Français, faisaient une guerre cruelle aux Anglais, en leur enlevant la chevelure, en tuant un grand nombre, faisant des prisonniers qu’ils amenaient à Québec, et dont plusieurs ont embrassé la religion catholique, et pillant leurs bestiaux, leurs volailles et leurs maisons ; de manière qu’ils leur avaient fait abandonner 50 lieues de pays, et qu’ils n’osaient sortir ni aller faire leur récolte que la nuit, ou avec escorte, et qu’on avait publié à Boston, que l’on donnerait cent livres sterlin pour chaque sauvage au-dessus de douze ans qu’on amènerait. Le Sieur Dierfield, gouverneur d’Orange dans la Nouvelle-York, avait plusieurs fois sollicité les Sauvages de faire la paix avec les Anglais de la Nouvelle-Angleterre ; mais ils avaient toujours répondu que pour faire la paix, il fallait la traiter avec le gouverneur du Canada ».

Subercase, qui venait d’accomplir des prodiges, ne se leurrait pas. La reine d’Angleterre, pensait-il, enverrait