Page:Daviault - Le Baron de Saint-Castin, chef abénaquis, 1939.djvu/147

Cette page a été validée par deux contributeurs.
145
LES FRANÇAIS ET SAINT-CASTIN

gouverneurs l’écrivaient avec naïveté, parce « qu’ils ont de l’affection pour la France ». Leur participation à l’exécution des plans français dépendait des avantages qui en pouvaient résulter.

Ils exigeaient, fournissant la plupart des troupes, des ravitaillements de la France. Ces secours improprement appelés présents, par les Français, la France ne les leur fournissait qu’à contre-cœur et avec bien de l’irrégularité. S’ils manquaient, les Abénaquis déposaient les armes afin de chercher eux-mêmes leur subsistance. Les Français avaient tort de s’en étonner. Ils eurent tort, surtout, de se mettre en colère quand, à la paix de Ryswick. les Abénaquis reprirent un commerce indispensable avec les Anglais.

Dans l’esprit des Pentagoëts, leurs terres ne faisaient aucunement partie des colonies françaises, pas plus que des colonies anglaises. Après la paix d’Utrecht, « les Abénaquis s’emportèrent et demandèrent de quel droit le François donnoit un pays qui ne lui appartenoit pas… Les missionnaires les apaisèrent en disant qu’on les trompoit par une équivoque et que leur pays n’entroit point dans ce qui étoit cédé aux Anglois par le Roy de France » 20. Pentagoët constituait si bien un territoire neutre, ou en tout cas à part, que les missionnaires y relevaient directement de Québec et non de l’administration acadienne 21.

Chef de cette tribu, Saint-Castin adoptait une politique favorable aux indigènes, sinon toujours aux Français. Il savait bien que l’intérêt des sauvages se confondait avec celui des Français. En ignorant certains ordres venus de Versailles, bien faits pour conduire à une catastrophe, non seulement il affirmait son indépendance, mais il évitait à son ancienne patrie comme à sa nouvelle des ennuis considérables.

Saint-Castin ne relevait pas plus de la France que de l’Angleterre. Il fut, à l’égard de la France, l’allié le plus sûr et le plus fidèle, même quand des rivaux comme Perrot et Villieu cherchaient, pour des motifs inavouables, à le noircir aux yeux du roi.

Sans renoncer à son titre de chef indépendant, il songeait tout de même à se rapprocher de la France et à conserver certains avantages de son ancienne qualité de Français. À deux reprises, il demanda et obtint des concessions de terre. La première fois, il se proposait de