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LES FRANÇAIS ET SAINT-CASTIN

la Nouvelle-Angleterre, Jean-Vincent avait quitté l’Acadie depuis des années.

Il est remarquable aussi que Saint-Castin n’ait jamais pris part aux pourparlers de paix, ni signé un seul traité avec les Anglais. Par calcul, sans doute. Sachant que ces pactes conclus avec les Peaux-Rouges étaient toujours considérés que comme de simples trêves, il n’aurait pas voulu les transformer en instruments solennels entre blancs.

Malgré la discrétion de son rôle. Français et Anglais ne s’y trompaient aucunement. Dans l’ombre, c’est lui qui dirigeait toute la politique des Abénaquis. Dédaignant l’éclat extérieur du pouvoir, il en possédait la réalité. C’est pourquoi, les gouverneurs anglais s’acharnaient contre lui.

On l’a vilipendé à cause de son commerce avec les Anglais. Nous avons vu que ces échanges étaient indispensables. Les missionnaires même s’y livraient, et pour les mêmes motifs que Saint-Castin, c’est-à-dire en vue d’assurer la subsistance des sauvages.

Justement, une des raisons de l’animosité de certains dirigeants français, surtout de Villieu et Gouttins, contre Saint-Castin venait de son amitié avec les missionnaires. On lit dans le mémoire de Tibierge en date du 21 juin 1699 sur le commerce de l’Acadie :

« Il est de conséquence pour le bien des affaires de la compagnie en cette baye d’interdire tout commerce à monsieur de St. Castin avec les Anglais, il en a tiré l’année dernière beaucoup de marchandises, non sans la participation des prestres qu’il favorise sous main » 18. Dans le même document, on lit encore : « Les prestres sont opposés à la compagnie. Depuis la guerre, ceux de Beaubassin, des Mines, de Pentagoët ont un air d’indépendance dont ils auront bien de la peine à se deffaire ».

Il y aurait lieu d’examiner ici une question bien curieuse. Parkman et, après lui, Sylvester ont attribué l’hostilité des Indiens envers les Anglais à l’influence des missionnaires, ou, plus précisément, des Jésuites, sans réfléchir que les indigènes avaient pris les armes bien avant le retour des prêtres dans leurs cantons. On jugera, par le passage suivant, des excès où la haine envers ces religieux entraîne Sylvester :

« Les Indiens du Maine, écrit-il (vol. II, p. 418), étaient des jésuites dans la mesure où leur intelligence leur permettait de l’être. Absolument sous la coupe des prêtres jésuites (pour Sylvester, il y a des laïques jésuites, et puis des prêtres jésuites), — dont l’enseignement spirituel se bornait à un charabia ritualiste que les indigènes