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LE BARON DE SAINT-CASTIN
qui étaient prêts de les abandonner, et comme ces peuples ont de la foi pour lui, ils ont fait tout ce que je pouvais espérer, aussi n’ai-je rien épargné pour les engager à être de nos amis ».

À cette occasion, les Pentagoëts acceptèrent les présents que Brouillan était en mesure de leur offrir.

« C’est ainsi que me l’a rapporté le sieur de Saint-Castin qui a résolu de demander qu’on lui accorde la concession de quelque terre qui n’est point concédée sur la rivière de la pointe au Haître. Je ne crois point que cela soit contraire aux intérêts de Sa Majesté, ayant envie d’établir une pêche de morue dans ce voisinage et d’employer même des sauvages à cet usage s’il se peut » 15.

Ainsi Brouillan songeait-il à s’attacher les sauvages par des mesures d’ordre pratique, ne se contentant ni de menaces ni de phrases creuses. Ce n’était pas sans besoin. Les Anglais, eux, savaient s’y prendre. Si l’on en croit Brouillan, ils vendaient la marchandise à perte, dans leurs magasins de la Pentagoët établis depuis la conclusion de la paix.


Vers la fin de 1701, le baron passait en France. À la cour, on comprit le rôle qu’il avait joué chez les Abénaquis et on lui reconnut enfin tout le mérite qu’il avait en réalité.

Nous avons vu que Saint-Castin, officier subalterne de l’armée française, s’était établi chez les Pentagoëts pour obéir à la consigne de Frontenac qui voulait au moins réserver l’avenir dont la France se préoccupait si peu. Il avait constaté qu’il ne pourrait être utile à la France s’il se cantonnait dans l’emploi de « capitaine des sauvages », comme on disait, c’est-à-dire d’officier étranger en marge de la vie des sauvages, uniquement occupé à les exciter et les conduire à la guerre. Les indigènes ne l’auraient pas souffert, étant d’une indépendance farouche, surtout les Pentagoëts qui avaient même refusé de se plier à la domination du roi Philippe à l’instar des autres tribus de l’Atlantique 16. L’aurait-il désiré, du reste, qu’il en aurait été bien empêché. Comment aurait-il vécu ? La France l’oubliait, comme elle oubliait l’Acadie, de 1671 à 1684. Frontenac lui-même se rappelait-il l’officier chargé de mission chez les Abénaquis ? Rentrée à Port-Royal, la France n’accordait que des secours dérisoires. Jean-Vincent n’avait rien à attendre d’elle. D’autre part, il n’était pas de ces aventuriers qui écumaient la malheureuse province.