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LES FRANÇAIS ET SAINT-CASTIN


— III —


Saint-Castin, chef abénaquis. — Les relations de Saint-Castin avec les gouvernants de l’Acadie devenaient de plus en plus tendues.

Dans l’entrefaite, M. de Brouillan, abandonnant le gouvernement de Terre-Neuve, remplaçait M. de Villebon à Port-Royal.

Brouillan, pour reprendre le pauvre calembour du père Beaudoin, était un véritable brouillon, violent, entêté, jaloux de son autorité et de son prestige. Il avait eu maille à partir avec M. d’Iberville, le baron de La Hontan, et les officiers de la flotte venue de France avec mission de compléter l’escadre qu’Iberville dirigeait vers la baie d’Hudson en 1696. En Acadie, il se trouva tout de suite en conflit avec son état-major et avec la population. Depuis son arrivée, écrivait M. de la Touche, « on tremble en Acadie ». Les archives de l’époque sont remplies de récriminations contre lui 12. Il se peignait tout entier dans son mémoire du 30 octobre 1701, qui proposait de lancer sur Boston 800 hommes venus du Canada par Pentagoët ; il exigeait le commandement unique de ces troupes. Il se méfiait, comme Iberville et avec raison, des officiers habitués à la guerre en dentelle. N’écrivait-il pas, le 30 décembre 1701, qu’il ne fallait pas lui envoyer des officiers peu accoutumés au pays ?

Le 20 octobre de la même année. Villieu se plaignait de son « ton choquant et emporté ». Brouillan alla jusqu’à faire brûler avec une mèche les doigts d’un soldat indiscipliné, ce pourquoi le ministre le mit à l’amende 13. Le 15 juillet 1705, le sieur Popinot, délégué des Acadiens, demandait au ministre de remplacer Brouillan par Bonaventure 14. Justement, Brouillan avait le bon esprit de mourir le 22 septembre, et Bonaventure faisait l’intérim.

En dépit de ses défauts, d’ordre secondaire en somme, Brouillan était compétent, intègre et consciencieux. Dès son arrivée, il se livra à une enquête sur les faits reprochés à Saint-Castin. Il exonérait le baron dans un mémoire du 16 octobre 1701 :

« Le sieur de Saint-Castin que j’avais fait venir ici pour lui expliquer les intentions de Sa Majesté au sujet du commerce qu’on prétend qu’il fait avec les Anglais m’a fait connaître qu’il n’était pas si coupable qu’on l’accuse. Il doit passer en France pour aller rendre compte de ses actions. J’ai cru ne pouvoir mieux faire que de m’en servir pour tâcher de ramener dans nos intérêts les sauvages