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LES FRANÇAIS ET SAINT-CASTIN

avoir veu à Pentagoët un bastiment anglais qui y a fait la traite, et que le Sieur de Saint-Castin en avait pris beaucoup de marchandises ».

Si le baron accusait les Français de survendre leurs marchandises, il était d’accord avec les intendants et les gouverneurs de la Nouvelle-France. Le prix du castor, fixé en France, était moins élevé au Canada qu’en Nouvelle-Angleterre. et, en conséquence, les marchandises se vendaient plus cher dans les colonies françaises, exposaient-ils au ministre, puisque la pelleterie était le seul moyen d’échange 10.

La fureur, au moins simulée, de Villieu atteignait bientôt son comble, quand les Abénaquis enterraient la hache de guerre sous une pyramide de maçonnerie.

Ces faits n’avaient pas la signification sinistre que leur attribuaient les Français.


— II —


L’état économique de l’Acadie. — Les discussions avaient leur source dans les prétentions de la France qui, la paix conclue, entendait empêcher par tous les moyens les échanges avec les Anglais comme durant les hostilités. Cette fois, elle voulait étendre l’interdiction aux Abénaquis.

Elle obéissait à un motif égoïste, où l’intérêt de la colonie n’avait aucune part. La France désirait exporter ses marchandises et accaparer le marché de la pelleterie en Europe. Ne se plaignait-elle pas de la concurrence des Anglais en Hollande et en Moscovie ? Sa politique commerciale, inspirée par les négociants de Paris, ne manquait pas de machiavélisme, puisque, dans le même temps ou à peu près, elle cherchait à restreindre les courses dans les bois, surtout en Louisiane, en vue de faire la rareté des fourrures et empêcher l’avilissement des prix.

Diéreville écrivait avec raison (p. 52) : « Dans un si grand pays, où le commerce devrait être ouvert à tous, pour l’établir, pas un habitant n’ose négocier ; s’il entreprend quelque chose, même avec ceux du pays d’une habitation à l’autre ; on le trouble par un beau prétexte, mais spécieux, et qu’un vil intérêt suggère toujours ; on lui prend ses bâtiments, et on rend ainsi des lieux qui pourraient devenir fertiles, toujours déserts.
(…) Nous n’entendons rien au commerce, bon Français que je suis faut-il que je l’avoue ici, et qu’en dépit de moi, je donne des louanges aux autres nations ! Nous savons mieux qu’elles prendre