Le Téméraire, accompagné de la Bellone, partit en éclaireur, une estacade renforcée de câbles barrait la passe entre deux rochers à pic. « Le port est hors d’état d’être insulté, note l’amiral français, à moins que de prendre les forts par terre et à revers, ce que nous ne sommes pas en état de faire ». Norris, en effet, avait rétabli la situation des Anglais dans l’île ravagée par Iberville au cours de l’hiver.
Le conseil de guerre réuni par Nesmond jugea la saison trop avancée pour une attaque contre la Nouvelle-Angleterre et l’amiral rentra en France sans avoir tiré un coup de canon.
Frontenac, qui ne perdait jamais courage, élabora de nouveaux plans :
Ces projets ne devaient pas être repris de si tôt, puisque la France et l’Angleterre signaient la paix à Ryswick, le 20 septembre. Le roi en avisait le gouverneur de la Nouvelle-France dans une lettre du 12 mars, mais Frontenac l’avait appris dès le début de février par les soins des « Anglais d’Orange » 34. En même temps qu’il prévenait son collègue de Québec, le gouverneur de New-York, lord Bellomont, envoyait une copie du traité à Saint-Castin 35. Fait remarquable, qui soulignait la situation particulière du baron.
Ce geste des Anglais devait du reste leur coûter cher, puisque les Pentagoëts, constatant qu’on les avait oubliés dans les négociations et qu’on ne leur rendait pas leurs prisonniers, restèrent en campagne et continuèrent à ravager les établissements anglais.
Dès la fin de février, ils lavaient dans le sang l’injure impardonnable du major Pasco Chubb qui avait tué le chef Egeremet de Pentagoët, à Pemquid. Abreuvé d’injures par ses compatriotes puis emprisonné à Boston pour avoir cédé Pemquid à M. d’Iberville, Chubb avait été libéré à la conclusion de la paix, mais cassé de son grade et proclamé à jamais inapte à tout commandement. Il s’était retiré à Andover dans le Massachusetts,