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LE BARON DE SAINT-CASTIN
— VII —
Nesmond. — Le 28 mai 1697, le Canadien Vincelotte
arrivait à Québec par la route de terre, « des Monts
Déserts, proche de Pentagoët, où M. de Gabaret l’avait
débarqué », et il remettait à Frontenac les dépêches de
la Cour.
Une lettre du ministre, en date du 6 mars, priait le
gouverneur de tenir ses troupes prêtes en vue d’une entreprise
encore secrète 32. Par une autre voie, le ministre
lui avait écrit le 9 mars :
« Vous trouverez cy joint le duplicata d’une lettre que je vous ay envoyée par une frégatte exprez que Sa Majesté a fait passer à Pentagouet, vous l’aurez sans doute receue avant celle cy, mais comme ce qu’elle contient est d’une très grande importance, tant pour la seureté du Canada que pour l’exécution des desseins de Sa Majesté dont vous serez informé par les vaisseaux qui vous porteront
les secours ordinaires, j’ay jugé à propos de vous en envoyer coppie par les vaisseaux destinez à Plaisance ».
Le 21 avril, le roi s’expliquait. « Ayant résolu d’envoyer une puissante escadre de mes vaisseaux dans l’Amérique septentrionale sous le commandement du Sr marquis de Nesmond, lieutenant général de mes armées navales, pour m’assurer la possession de l’isle de Terreneuve et celle du Canada contre les entreprises des Anglais, j’ay crû que je pouvais aussi l’employer à ruiner les establissements de cette nation dans la Nouvelle-Angleterre et mesme ceux de la Nouvelle York s’il reste assez de temps à mes vaisseaux pour l’exécuter ; et pour cet effet, j’ay résolu d’y employer mes troupes du Canada sans lesquelles celles de mes vaisseaux ne seraient pas suffisantes pour de pareilles entreprises, c’est pour cela particulièrement que je vous ay cy devant donné ordre de faire approcher de Québec 1 500 hommes de ces troupes ou des milices du pays, et je vous fais cette lettre pour vous dire que mon intention est qu’aussytost que led Sr de Nesmond vous aura donné advis de son arrivée et vous aura escrit de les faire marcher, vous les fassiez partir pour se rendre avec diligence à Pentagouet où vous trouverez mes vaisseaux (…) Je vous laisse la liberté de les conduire vous-mêsme, si les affaires du pays et vostre santé vous le permettent ». Frontenac protesta aussitôt que ni son âge ni sa santé ne l’empêcheraient de prendre part à si belle partie.
Saint-Castin devait être de la fête. Dans le long mémoire
du 27 avril au comte de Frontenac, le roi écrivait :
Sa Majesté compte qu’il attaquera et prendra Boston
« avec le détachement du Canada et les sauvages de l’Acadie
qu’elle a ordonné de faire rassembler à Pentagoët
dans le mesme temps que les Canadiens et cette escadre
y arriveront, ce qui sera vers la fin de juillet ». Il était de
toutes les combinaisons imaginées contre Boston. Une
lettre de Lagny à Pontchartrain, en date du 20 janvier
1697, révèle qu’on projetait une vaste expédition en