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LE BARON DE SAINT-CASTIN

gémonies. La garnison devait sortir, sans armes, mais être envoyée à Boston en échange de prisonniers français et abénaquis.

Iberville fit transporter les Anglais dans une île à portée des canons de ses navires, « où il n’y avait pas à craindre qu’ils fussent insultée par les sauvages, nous apprend Charlevoix, et cette précaution était plus nécessaire qu’on ne l’avait cru d’abord ».

En effet, Villieu, pénétrant le premier dans le fort, y trouva un Abénaquis aux fers et l’ordre, venu de Boston, de le pendre. Le pauvre bougre était dans un état déplorable « ayant les jambes roides comme un bâton, et paraissant prêt à expirer, ce qui mit ses compatriotes dans une rage dont on eut bien de la peine à empêcher les effets ». Iberville et Saint-Castin les continrent.

Les sauvages se partagèrent les armes et les munitions trouvées dans le fort. M. des Chauffours, en chaloupe, s’en alla livrer une partie des prisonniers anglais de Pemquid et du New Port, en échange des flibustiers de Guyon, d’autres Français et d’Abénaquis. Puis on mit le feu au fort qui brûla du 17 au 19, en même temps qu’un mannequin représentant le Prince d’Orange et que soldats et matelots avaient d’abord lapidé avec entrain.

Le 19, Iberville partait pour Pentagoët. M. de Montigny, qui avait attendu M. des Chauffours à Pemquid, rentrait le 30, sans nouvelles de Boston. On apprit par la suite que sa barque n’ayant plus assez de provisions pour tout le monde, — « tous ces extraordinaires nous en ont consommé à chacun trois semaines » (Iberville), — M. des Chauffours avait renvoyé les soldats anglais à Boston dans une caiche avec six jours de vivres et n’avait gardé que seize officiers comme otages 26. Saint-Castin négocia plus tard l’échange des prisonniers au nom de Frontenac. « On n’aurait pu choisir un plénipotentiaire plus dévoué ni plus intelligent » 27. Iberville se dirigea vers Terre-Neuve, où il accomplit l’un de ses plus glorieux exploits.

La prise de Pemquid n’avait coûté qu’une vie, celle du garde-marine du Tast, « qui avait, écrit Beaudoin, gagné sa pleurésie en faisant charrier les canons et les mortiers ». Iberville avait procédé avec sa méthode habituelle : préparation minutieuse, puis exécution foudroyante. Saint-Castin n’avait pas mis moins de vigueur dans ses négociations avec Chubb.