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IBERVILLE ET SAINT-CASTIN
ments qu’Iberville lui avait communiqués sur les intentions hostiles des Bostonnais : « Vous aurez encore appris que les advis que vous avez donnés des menaces de ceux de la Nouvelle-Angleterre d’attaquer Québec au printemps prochain ont esté confirmez par le rapport des nommez Petitpas et de St-Aubin, et tellement circonstanciez qu’il n’y a guère lieu d’en douter ». Le 4 novembre, Frontenac annonçait l’expédition des secours : « Le Sr de Villieu, lieutenant du Sr de Villebon et capitaine des 40 soldats qui doivent servir à l’Acadie avec le Sr de Montigny, son lieutenant, sont partis de cette ville pour s’y rendre afin de s’acquitter des devoirs de leurs emplois ».


Enfin ravitaillés, les Indiens reprirent les armes. Lamothe-Cadillac résumait hardiment leur campagne, dans sa lettre du 27 septembre 1694 :

« Si vous avez reçu les lettres que j’eus l’honneur de vous écrire l’année passée vous pourrez voir les sentiments où j’étais touchant la paix que les Abénaquis avaient faite avec les Anglais ; ce que j’avais présumé est arrivé, je vous faisais savoir que si le Roi continuait à prendre soin d’eux, et qu’on réveillât un peu leurs morts en leur reprochant que leur chevelure était encore saignante, et qu’ils n’avaient pas encore vengé leur mort, qu’ils ne manqueraient jamais de recommencer une guerre plus dangereuse que jamais. Cela est arrivé ainsi que je l’avais prédit ; en sorte qu’ayant fait la paix (…) deux jours après sa conclusion (les Anglais n’étant plus sur leurs gardes), les Sauvages tombèrent sur la rivière de Pescadouet et tuèrent trente-cinq personnes, et firent quelques prisonniers. On peut dire que les négociations du Sr de Villieu, ses soins, sa présence et sa valeur ont beaucoup contribué et presque tout fait en cette entreprise ».

À vrai dire, Lamothe-Cadillac ne s’embarrassait jamais des dates. Le traité avait été signé en août 1693 et les Indiens n’attaquaient sérieusement les Anglais que le 14 juillet 1694. Ce manque de foi leur valut de belles imprécations de la part des chroniqueurs puritains.

Il avait fallu assez de diplomatie de la part des Français pour décider les indigènes à reprendre les armes. Un groupe, dirigé par Madokawando, aurait désiré une plus longue période de paix, surtout en vue de recouvrer les prisonniers encore aux mains des Anglais. D’autre part, ils se méfiaient des Français. Des secours étaient venus, mais l’expérience avait appris à ne pas compter sur leur régularité.

Villebon se dépensait auprès d’eux. Il adopta Taxous (nommé aussi Moxous) comme son frère et, à cette occasion, lui donna son meilleur manteau. Cette année-là, les Indiens de l’Acadie reçurent 2 500 livres de poudre, 6 000 livres de plomb et une multitude d’autres cadeaux. D’autre part, l’abbé Thury, missionnaire à Pentagoët, s’em-