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LE BARON DE SAINT-CASTIN
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Le conseil de la colonie, saisi de l’affaire, institua tout de suite une enquête. Les enquêteurs inclinaient à voir dans l’intrus un officier enfui du Canada pour quelque méfait. Ils ne concluaient à rien de précis.

Le mystérieux visiteur, prétendit ensuite quelqu’un, était cet infernal Saint-Castin qui mettait à feu et à sang les établissements du Nord-est. La squaw était sa femme et les Peaux-Rouges, ceux de Pentagoët, ces terribles Terratines que Saint-Castin menait depuis plusieurs années au massacre des Anglais.

L’émotion fut à son comble ; le conseil siégea en permanence et alerta la milice, organisme bien rudimentaire en cette colonie paisible, Un certain Robert Drury, qui avait naguère fait la traite à Pentagoët, déposa en des termes terrifiants devant le conseil.

M. Casteene, disait-il, est un ancien gouverneur du Canada qui, pour avoir refusé de combattre sir Edmund Andros sur la rivière Sainte-Croix, s’est attiré le courroux du roi de France. Sur ce, Louis XIV a envoyé des vaisseaux dont le commandant avait l’ordre d’embarquer Casteene, de gré ou de force, afin de le ramener en France où il serait jugé. Casteene craignant un sort horrible s’est enfui à Penobscot, où il a épousé la sœur de Madokawando. Devenu chef suprême des sauvages, il a transformé leur tribu en une horde de bandits fanatisés dont l’unique pensée est d’occire de pauvres Anglais. (Drury ne se mettait pas en peine d’expliquer la contradiction entre la répugnance manifestée d’abord par Saint-Castin à combattre Andros, et son déchaînement ultérieur contre les administrés du même Andros.)

Casteene, racontait toujours notre Drury, est un chef de bande, le grand ennemi des Anglais, un terrible ferrailleur. Andros a mis sa tête à un prix élevé.

Drury s’étendait longuement sur la façon de vivre de Casteene, « toujours vêtu d’habits à l’indienne et d’écarlate », et, se disait persuadé que le visiteur de St. Mary’s City était Casteene, bien qu’il ne l’eût pas aperçu.

Les renseignements affluaient au conseil. On apprit que l’homme était sûrement un Français, qu’il portait les lettres M. C. sur la poitrine (ce qui correspondait à M. Casteene), qu’il avait avec lui deux squaws en plus d’une fille de seize ans. Un nommé Thompson, ancien prisonnier de Saint-Castin, le reconnaissait parfaitement.