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par la nécessité d’amadouer une mère ombrageuse.

Mme de la Ferté-Imbault était fille de cette célèbre Mme Geoffrin que l’historien des salons littéraires ne saurait ignorer. De condition modeste, épouse d’un bourgeois immensément enrichi, très belle au surplus et spirituelle, Mme Geoffrin réunissait chez elle tout ce que le premier quart du XVIIIe siècle comptait de sommités littéraires, artistiques, scientifiques ou aristocratiques.

Née en 1715, sa fille Marie-Thérèse jouissait de beaucoup d’esprit et d’un fort joli minois. Négligée par la mère, elle comprit très tôt qu’il est bon de cacher certaines qualités propres à inspirer la jalousie même à l’auteur de ses jours. Dans le salon de Mme Geoffrin elle affecta d’abord un mutisme qui confinait à la stupidité. Plus tard, ennuyée de ce rôle, elle adopta celui d’espiègle, se livrant à toutes les fantaisies que lui suggérait un esprit endiablé. Moyennant quoi, elle était tolérée par l’autoritaire Mme Geoffrin qui n’aurait pas souffert auprès d’elle une érudite capable de la jeter dans l’ombre.

Au fond, Marie-Thérèse n’aimait que les sciences abstraites, auxquelles l’initiaient, en des conversations insoupçonnées de la mère, les plus grands esprits de l’époque, Fontenelle, Montesquieu, l’abbé de Saint-Pierre. À 15 ans, l’enfant avait la cervelle farcie d’Aristote, de Plutarque, de Sénèque et de Malebranche.

En 1733, on lui présente un brillant jeune homme, le marquis de la Ferté-Imbault, descendant du maréchal d’Estampes, que ses parents, éblouis par tant de noblesse, ont déjà agréé comme prétendant. Mauvais poète, esprit chagrin, le jeune homme est