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Saint-Laurent, dans la mer de Behring, en Sibérie, se lançait seule dans l’aventure le 27 août.

Dès le 6 septembre, elle était prise dans les glaces près de l’île Wrangel. Elle devait y rester jusqu’à la fin de 1880, c’est-à-dire environ quinze mois. Elle n’en sortit que pour tomber en une situation plus dangereuse encore.

Pendant l’immobilité forcée, De Long organisa, malgré une température impossible, un régime systématique d’observations scientifiques. La vie était dure, mais l’énergique commandant la rendait supportable. Pour une partie de son monde, au moins. Les plus faibles ne purent la supporter. Un homme perdit la raison. D’autres sombrèrent dans la mélancolie.

« Dunbar, raconte Melville, ne parlait pas à Newcomb ; Collins et moi ne nous regardions plus ; Newcomb n’adressait la parole à personne ; Collins n’était guère mieux, ne causant aimablement qu’avec Danenbower ; Chipp, silencieux de nature, n’était pas porté à la conversation ; Dunbar devenait taciturne à cause de la maladie qui le vieillissait ; le capitaine, conscient de sa responsabilité, se cantonnait dans une réserve extrêmement officielle ; seuls le docteur Ambler et moi causions comme des êtres humains et normaux… Nous avions souvent l’air d’assister aux funérailles d’un ami très cher. Au fond, en effet, nous avions l’impression d’aller à des funérailles et nous agissions en conséquence. Seulement, ces funérailles étaient les nôtres. »

Collins, le journaliste, était parti avec le titre de matelot, parce que la Marine n’aurait pas admis un