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doigts, une main, un pied. Les corps se désagrégeaient, tombaient en morceaux. C’était un spectacle d’épouvante et, de ce monde d’Apocalypse, se dégageait une odeur de charnier.

Un examen rapide apprit à Damien de Veuster que les malheureux vivaient dans la malpropreté la plus abjecte, et la plus honteuse débauche. Abandonnés de tous, sombrés dans un désespoir intégral, ces parias s’abandonnaient à toutes les fanges.

Le missionnaire en oublia sa défaillance du début. Il y avait une œuvre immense à accomplir. Son incroyable énergie se réveilla. Il s’attaqua à la besogne avec une fougue irrésistible. Tout d’abord, il nettoya la chapelle, qu’il décora de couleurs violentes au goût des Hawaïens et qui devaient, plus tard, étonner les blancs. Il attira les moins malades qui lui prêtèrent main-forte. Allant, venant, du matin au soir, il mit de la propreté partout, éleva des bâtisses.

Pour lui-même il ne lui restait pas de temps. Pendant des semaines, il coucha sous un arbre, à la belle étoile.

L’une de ses premières réformes consista à donner quelque dignité aux funérailles, incidents fréquents dans cette île de cauchemar. Jusque-là, on se contentait de jeter dans un trou d’une couple de pieds les cadavres enveloppés de toiles. Damien creusa lui-même des tombes suffisantes et il se mit à fabriquer des cercueils. On calcule qu’il en fit 2,000 durant son séjour.

L’eau manquait. À force d’écrire aux autorités d’Honolulu, il obtint des tuyaux. Ayant découvert une source, il établit un aqueduc convenable. Comme une tempête avait détruit les misérables