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La vie anecdotique de l’Académie française
au temps de Napoléon


Collin d’Harleville était de la fournée d’académiciens que créa Napoléon quand il rétablit l’Académie française abolie d’abord à la Révolution. Collin n’avait pas de titres littéraires bien apparents. Certain confrère disait de lui que sa vie fut plus d’un poète que ses vers. À vrai dire, il écrivit des pièces gentilles, « monté sur un loyal Pégase de labour », à l’instar d’un père « émule à la fois de Cincinnatus et de Tityre ».

Ce doux poète n’entretenait qu’une piètre opinion à l’égard de l’argent. Un jour, retenu à sa chambre par la maladie, il reçut la visite d’Arnaud-Baculard, académicien vaudeviliste, surnommé l’homme aux petits écus parce qu’il avait la manie d’emprunter même des sommes fort modiques. La visite se passa sans tapage. Ce dont Collin ne s’étonna plus quand, le visiteur parti, il constata que de beaux écus de six livres avaient disparu de la cheminée où Baculard s’était appuyé plus que de raison et où Collin les avait jetés négligemment avant de se mettre au lit. Le poète, en pantoufles et robe de chambre, court après le vaudeviliste qu’il rattrape sur le quai. « Tu m’as pris mes cent vingt francs ! — Mais oui, fait l’autre. — Mon Dieu, poursuit Collin, c’est que j’en avais bien besoin ! — Et moi aussi, dit Baculard !