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il passa en cour d’Assises ; toute blessure entraînant l’incapacité de travail constituait alors un crime. Tragine avait été dénoncé par le maire du lieu, Guillaume Pic, qui le craignait à un tel point qu’il essaya de se défiler, l’audience venue.

Tragine lui en garda néanmoins une rancune tenace.

Condamné à cinq ans de prison et enfermé dans la Tour ronde à Foix, il s’en évada en même temps qu’un compagnon avec lequel il adopta l’existence du bandit de grand chemin. L’association dura peu de temps. Bientôt, on trouvait ce compagnon, mort, au beau milieu de la route, un coup de couteau au ventre. La cour d’Assises condamna Tragine, pour homicide volontaire, au bagne perpétuel. Mais il demeurait imprenable.

On ne l’appelait plus que le bandit de l’Ariège. La gendarmerie n’aurait jamais pu le rejoindre. Et ceux qui prenaient part aux « chasses à l’homme », parfois organisées contre lui, le craignaient trop pour y aller de tout leur cœur. Il gardait son domicile à Leychert où il paraissait souvent. Pierre Sarda passait sur les routes la tête haute, vêtu de drap bleu, le fusil sur l’épaule et les pistolets à la ceinture. Les gens lui parlaient chapeau bas et l’appelaient monsieur Tragine.

Monsieur Tragine payait bien leurs services.

En effet, il ne volait pas souvent, se bornant alors à dévaliser quelque banquier ou notaire, où il trouvait une ample moisson d’écus, dont il faisait profiter les pauvres diables.

Il pensait avant tout à se venger de Pic et de sa famille. Il allait, proférant les plus terribles menaces contre ces gens : il défendait aux ouvriers agricoles