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ment incompréhensible ». Le grand-duc Serge avait été l’oncle préféré de Nicholas !

Quand on avait rapporté à Nicholas la nouvelle de la terrible défaite de Moukden, il jouait au tennis. Ayant lu le télégramme sinistre, il le mit tranquillement dans sa poche et reprit sa partie qu’il joua avec tant d’application qu’il la gagna.

Quelque temps après l’assassinat du grand-duc Serge, le général Kasbitch, gouverneur d’une province orientale, vint rendre compte au tsar de troubles ouvriers qui avaient éclaté dans son gouvernement. Il avait fait appel à la troupe, mais, au moment où la rencontre devait se produire, le général avait adressé aux ouvriers un discours si bien senti que les gens du peuple s’étaient retirés émus et honteux. « Ainsi, conclut le général, je réussis à éviter une effusion de sang et des victimes inutiles. »

Le visage du tsar se crispa en une grimace hideuse. Les poings fermés, il se jeta sur le général et s’écria : « Il fallait tirer, général, tirer dans le tas ! Il fallait les mettre en pièces ! À coup de baïonnettes et de fusils ! »

Le général eut un mouvement de recul. Il descendit les escaliers quatre à quatre et s’enfuit. Le soir même, il remettait sa démission.

Les paroles du tsar avaient été entendues dans l’antichambre. On les connut bientôt dans toute la Russie. Tout le pays chuchotait avec horreur : « Le tsar sanglant, le tsar sanglant ».

27 février  1937.