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destin. Des événements étranges et malheureux surgissaient sans cesse dans sa vie, semblant annoncer le sort final du tsar. Avec un art consommé et parfois hallucinant, Essad-Bey fait ressortir ces incidents ; il les enchaîne comme les actes d’une tragédie.

Les Russes superstitieux avaient toujours vu le prince Nicholas avec gêne. On murmurait à son propos, d’un air de mauvais augure : « Il est né le jour du martyr Job ! ». Ce qui, paraît-il, était néfaste.

Le jeune tsarévitch avait été élevé dans le sombre château de Gatchina, seul, loin de tout compagnon de son âge, et dans l’ombre redoutable de son père, le tsar Alexandre III. Cette solitude morale convenait d’ailleurs à la nature renfermée du prince. Sauf plus tard avec sa femme, jamais Nicholas ne permit à personne de lire dans sa pensée. Il était à l’extérieur d’une indifférence absolue que ne trahissaient pas ses yeux gris et impénétrables. D’une politesse achevée et byzantine, il opposait cette cuirasse à tous ceux qui auraient voulu exercer une influence quelconque sur lui. Avec cela, entêté, immuable dans ses idées ou ses préjugés, il n’acceptait aucun conseil et les événements ne parvenaient pas à modifier une seule de ses décisions. Il était effectivement en marge de la vie. Par malheur, la femme qu’il épousa ne fit que le pousser plus avant dans cette voie.

Son père, homme d’une force herculéenne et d’une activité dévorante, tenait son fils éloigné de toute affaire et avait sur lui l’opinion la plus défavorable. Un jour, comme un ministre proposait de nommer l’héritier du trône au poste de président du comité pour la construction du Transsibérien, le