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de répondre l’autre, ce que vous avez dans votre voiture ne m’intéresse pas, pas plus que vos imaginations fantaisistes. Si vous avez un mort, portez-le à la morgue. » Et le cocher, résigné : « Hue, cocotte ; à la Morgue ».

Un noceur, Maurice Bertrand, à qui le patron de chez Maxim’s, Eugène Cornuché, refusait une bouteille après le départ du sommelier, se vengeait à quelques jours de là. À l’heure de l’apéritif, un cortège funèbre s’arrête devant la boîte et, à l’horreur du chasseur, les croquemorts descendent le cercueil du corbillard et l’entrent dans le restaurant, suivis de Maurice Bertrand. On dépose l’objet sur une table, on l’entoure de bougies, malgré les protestations du personnel et Maurice Bertrand dit aux clients : « Venez voir une dernière fois notre malheureux ami ». Le couvercle soulevé, on aperçoit, reposant sur un coussin de velours, un jéroboam de champagne… Voilà comment on s’amusait aux environs de 1900…

Maurice Bertrand, représentant d’une grande maison de champagne (comme le fut plus tard monsieur de Ribbentrop, par parenthèse), faisait partie du Gin-Club, fondé par Eugène Cornuché et qui réunissait des fêtards dont l’unique souci dans la vie était de trouver le moyen de tuer le temps.

C’était l’époque des grandes dames de petite vertu. Les deux plus en vue, la belle Otéro et Liane de Pougy, rivalisaient avec férocité, mettaient tout en œuvre pour s’éclipser l’une l’autre. Une année, la première donne au Casino de Monte-Carlo une fête où elle paraît parée de nouveaux et somptueux bijoux. Mais Liane de Pougy, qui a été informée des intentions de sa rivale, entre dans la salle très