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pas totalement dénué de cœur. Il aimait certes, mais à sa façon. Mathilde tressaillit soudain. Elle se rappelait une conversation pénible tenue entre son père et sa mère alors qu’elle avait douze ans et accourait auprès d’eux à l’improviste. L’éclat des voix l’avait saisie. Elle s’était arrêtée non loin de la pièce, où se trouvaient ses parents. Elle avait entendu les mots tremblants jetés tout à coup par sa mère : « Mon pauvre ami, que vous êtes égoïste, égoïste au point d’en être cruel… Je vous en prie pensez un peu aux autres… Mon Dieu ! Mon Dieu ! que vous êtes dur… » Et des sanglots avaient éclaté… tandis que son père sortait de la chambre, puis de la maison, en faisant battre les portes… Jamais, Mathilde n’avait oublié cette scène… Et en ce moment, voilà qu’elle revenait à sa mémoire… Les mots que sa mère avait jadis prononcés, elle les sentait monter à ses lèvres… Pauvre chère maman, morte si tôt, sans avoir jamais connu le bonheur qu’elle méritait. La douceur de sa mère était parfaite, non la sienne. Son père le lui disait avec assez d’amertume, parfois. Il était certain que souvent, elle trouvait en elle une force de résistance qui l’étonnait. Toute jeune, elle était ainsi. Sa mère avait dit en souriant, un jour, en la voyant tenir tête bravement à son père qui lui donnait un ordre arbitraire : « Mon ami, au moins, notre