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Et quel désespoir déchirait son cœur ! Elle comprenait l’étendue de son malheur, en ce premier instant où elle prenait contact avec la réalité… Jusqu’ici, rien de tangible, d’exact, n’avait frappé ni ses yeux, ni ses oreilles… Maintenant, elle savait… Sa vie était brisée, irrévocablement brisée… Olivier se mourait, qui pouvait en douter, en face de ce visage méconnaissable ?… Et son fiancé mort… éternellement pleuré, elle le savait, quelle existence serait la sienne… Pauvre Mathilde ! Pour la première fois, elle entrevoyait ce calice de suprêmes douleurs dont les cœurs très nobles connaissent seuls, à fond, peut-être, la détresse infinie. Puis, sa vaillance réagit. Son bonheur personnel s’effondrait sans retour, mais il y avait les autres… On aurait besoin de son aide, de ses avis, de sa tendresse. Il y aurait Olivier, hélas ! quelque temps seulement encore, Josephte, la pauvre petite qui serait si tôt, presque seule au monde… Il y aurait, oui, il y aurait tous les malheureux que son cœur comprendrait sans peine maintenant. La demie de cinq heures sonna. Mathilde tressaillit. Elle se leva vivement et courut baigner ses yeux. Un instant, elle se pencha sur son miroir. Ciel ! quelle figure navrante, vieillie, oui vieillie, lui renvoyait la glace… Se pouvait-il qu’en un peu plus d’une heure, la souffrance ressentie, causerait une telle secousse physique, amènerait un