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Ce soir, sachez-le cependant, je pose cet acte de vous écrire. Rien, aucune puissance au monde, ne m’empêcherait de vous écrire. Et à ce mot que je vous adresse, j’attache une importance extrême, je n’ose écrire suprême. Je veux, vous entendez, je veux absolument, coûte que coûte, qu’il vous parvienne dès demain, par l’entremise de mon petit Michel, si débrouillard et si dévoué. J’ai sa promesse de tenter l’impossible. Mais j’ai confiance que la Providence lui viendra en aide.

Vous dire de nouveau ce que vous êtes, ce que vous serez toujours pour moi, même dans l’au delà, est-ce bien nécessaire, mon unique ? Je ne conçois pas la vie sans vous, je vous l’ai dit souvent. La mort ? Je sais qu’elle ne pourra séparer nos âmes, qui se sont recherchées, aimées, unies, parce qu’elles avaient le même idéal de beauté, de vérité et de bonté. Si les contingences de ces temps pénibles viennent à disparaître, je réclamerai, avec vous à mes côtés, ma part de bonheur humain. Sinon, je me dirai que mon passage ici-bas fut marqué du seul signe sanglant du dévouement à la patrie jusqu’au bout, c’est-à-dire du sacrifice de toute joie comme de tout bien collectif ou personnel, et même de la grâce, sans égale, de la vie ; et cela, parce qu’il faut que la patrie vive, et vive libérée, honorée, grandie… Je suis prêt à tout, Mathilde, vous le voyez. Le plus difficile ne fut-il pas de consentir à m’éloigner