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Les aventures de Perrine et de Charlot

au contraire grands ouverts. Elle n’a pas sommeil, oh ! non, pas du tout… Elle sent dans son être un feu si étrange. Des visions passent et repassent dans sa tête enfiévrée. À ses oreilles bruissent, hautes et claires, les paroles du curé et de son pieux visiteur. « Le notaire est malade, vous resterez encore au milieu de nous, » a déclaré le prêtre. Et à ce souvenir, le cœur de la petite fille se dilate un peu. L’image du franciscain, souriant et apitoyé, se dresse ensuite devant elle. Sa physionomie ardente comme elle la revoit ! Le missionnaire parle de pays inconnus, lointains et merveilleux, pays où il fait si bon de vivre qu’un père zélé, semblable à lui, va mourir de douleur parce qu’il ne lui est plus permis d’y retourner. Et ne s’embarque-t-on pas prochainement pour cette belle contrée, qui se nomme la Nouvelle-France ? « Le 8 avril, à Dieppe, » a prononcé la voix sonore du missionnaire.

Dans huit jours ! « Dieu ! pense Perrine, que le temps se fait court pour les enfants qui se mettent en route pour le Canada ! Qu’ils sont heureux !… Dans huit jours !… Le temps est court,… court !… Ah ! »

Et Perrine, qui succombe à la fatigue, ne bouge plus. Bientôt ses longs cheveux dorés se mêlent aux boucles brunes de son frère. Les deux enfants dorment, serrés l’un contre l’autre.

Perrine s’agite dans son sommeil. Elle rêve. Un sourire soudain, se joue sur ses lèvres. Oh ! le beau rêve, vraiment, que fait la petite fille !… Sa mère adorée, elle la revoit. Elle s’approche. De ses mains d’où s’échappent des rayons, elle borde le lit. Puis, en un geste de bénédiction, elle effleure le front de ses chéris. Elle s’éloigne. « Maman, maman, soupire l’enfant extasiée, reviens.