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Les aventures de Perrine et de Charlot

sent si bien que le petit ne sait comment lui témoigner sa reconnaissance. Et puis, il fera le guet. Sans qu’il y paraisse, il prêtera l’oreille aux conversations bruyantes, quoique correctes, qui se tiennent autour de la table du fond. Les clients réguliers de l’auberge affectionnent ce coin, et, au café, les langues se délient. L’hôtesse elle-même s’approche souvent de ces bonnes gens. Souriante, elle les écoute bavarder sans malice, ni intentions perverses. « Les entendre, cela vaut une lecture de la Gazette de la cour, » affirme-t-elle.

Charlot se sent revivre dans cette atmosphère joyeuse et saine, quoique le souvenir de Perrine et du lointain Canada ne le quitte jamais, et serre parfois son cœur. Il a confiance que tout se terminera heureusement, grâce à la sage conduite de l’hôtesse et aux miracles de Madame la Vierge. Il y croit ferme aux doux miracles de la Mère de Jésus, depuis cet après-midi inoubliable où des pièces d’or sont tombées entre ses mains. Il verra, certes d’autres merveilleux événements. Cette assurance lui fait joindre les mains avec ferveur, devant la statue de la Madone. Certains jours, cependant, le temps lui dure et malgré lui, il devient pensif, ses yeux ont un regard absent, ses distractions font rire les habitués. L’un d’eux, un soir que le vin l’avait un peu grisé, se met à le considérer attentivement et s’écrie soudain à voix haute : « Hé ! petit, quand tu ne souris plus, sais-tu à qui tu ressembles ? Non ? Écoute, je le sais, moi. C’est à l’un des petits Peaux-Rouges qui ont hébergé, ici, il y a quelques mois. Tu as les yeux du petit sauvage triste, tonnerre ! tu les as ! N’est-ce pas les amis ? Regardez-le bien. »

Charlot, saisi, baisse vivement la tête. Tous