Page:Daveluy - Les aventures de Perrine et de Charlot, 1923.djvu/204

Cette page a été validée par deux contributeurs.
204
Les aventures de Perrine et de Charlot

de Paris. » Un jour, en face de l’énorme statue de saint Christophe, nichée dans la façade de Notre-Dame, l’un des Hurons est saisi d’une terreur folle. Renversé sur le sol, ses bras battent l’air, et font le geste de repousser une vision insupportable. En un clin d’œil, les badauds s’amassent. Amusés, ils se pressent et s’interpellent autour du sauvage qui continue ses contorsions. Bien lentement, on lui fait comprendre que saint Christophe, quoique le plus robuste et le mieux charpenté des saints du paradis, est secourable à tous, même aux Peaux-Rouges. Finalement, on le hisse dans un carrosse, « l’une des cabanes roulantes tirées par des orignaux, » disent les sauvages, et le voilà de retour au gîte encore tremblant d’émotion.

Et Charlot ? Ah ! la vie lui pèse plus lourdement que jamais. Sans doute, l’existence dans les bois, auprès des Iroquois, avait été pénible, crucifiante, lui avait fait verser des larmes amères ; mais ces tourments lui semblent maintenant peu de chose comparés à la honte qu’il ressent. Lui, un petit Français très fier, n’est-il pas devenu, aux yeux de ses compatriotes, un barbare dont on se moque ouvertement !

La tristesse de l’orphelin devient telle qu’elle attire l’attention. Un soir, la maîtresse du logis où habitent les sauvages, s’apitoie publiquement sur lui. Devant les regards observateurs de l’assistance, les questions embarrassantes de l’hôtesse, les yeux cruels du capitaine huron, braqués sur les siens, Charlot frémit. Il n’ose ni répondre, ni lever la tête, ni fuir. Aussi, pourquoi, comme à l’ordinaire, n’est-il pas demeuré dans sa chambre là-haut ? À son aise, il y rêve à sa Perrine chérie, à Julien, à Mme de Cordé, au Canada. Cette douceur, certes, vaut mieux que la misérable