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Les aventures de Perrine et de Charlot

la mort de sa mère, Perrine voit-elle monter chaque soir, au son de l’angélus, une vieille femme tendre et pitoyable. Elle rentre au foyer des orphelins, pour y passer la nuit. L’on ne peut se résigner, à Offranville, à laisser les enfants seuls et apeurés lorsque l’ombre et le silence enveloppent toutes choses.

Perrine soupire. Hélas ! en ce bel après-midi de mars, alors qu’un soleil joyeux pénètre dans la maison endeuillée, que l’on voit dans le sentier fleurir les primevères, son cœur se serre d’angoisse. Les deux grandes douleurs de sa vie pèsent sur sa petite âme. Les souvenirs heureux d’autrefois remontent à son esprit avec une précision qui lui fait mal. Qu’ils ont été courts, ces instants de bonheur !… De grosses larmes voilent les yeux de Perrine. Elle revoit son père… Son père bon, patient, courageux, dur à la tâche, et qui rentrait quand même, le soir, une chanson sur les lèvres. Comme il l’aimait sa blonde Perrine, sa petite préférée ! Comme il baisait souvent les candides yeux bleus, quêteurs d’affection, qu’il appelait « ses deux pervenches d’amour ! » Il ne voyait rien au-delà de son foyer, ce père bien-aimé, rien qu’il put chérir davantage que les êtres qu’il y abritait. Pourtant, il l’avait quitté très tôt et sans qu’une bénédiction suprême eût tombé sur les têtes enfantines. Un soir, — il y avait de cela deux années, — on avait rapporté le vaillant travailleur sur une civière, sans mouvement, sans vie, déjà froid !… Perrine frissonne à ce souvenir. « Un accident de travail, le pauvre malheureux s’est abattu sans un geste, sans un cri, » avaient déclaré, devant elle, les voisins. Ils penchaient tristement la tête, tandis qu’ils déposaient le cadavre sur un lit d’apparat. Oublierait-elle jamais l’affreuse scène, l’aimante Perrine ?…