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vait le juger mal, bien mal, depuis son retour au Canada. Quel silence ingrat !… La triste situation que celle d’un orphelin inconnu ! se dit Michel. On ne lui accorde aucune chance dans le monde, et si le sort le favorise, on l’accusera des pires motifs d’ambition… Mais Michel se secoua bien vite et se reprocha cette amertume. N’avait-il pas également rencontré, en sa qualité d’orphelin, de touchantes sympathies ? Qu’était la morgue de certaines gens, aux sentiments peu élevés, comparée à la chevaleresque protection des êtres d’élite qu’il avait connus ?

Le front de Michel se rassérénait peu à peu. Mais la tristesse demeura dans son cœur. Son chagrin, qui le guérirait jamais ? Il diminuerait d’intensité avec les ans, peut-être ? Que ce serait long, hélas ! de toutes façons, et pénible, cette lutte entre sa raison et son cœur si profondément épris ? Du moins, Josephte ne souffrirait pas, ayant appris à le mépriser… Lui seul, regretterait son impossible amour.

Chez les Paulet, le soir, au souper, un calme inaccoutumé régna jusqu’au dessert. À plusieurs reprises, Hélène, qui remplaçait sa mère absente et présidait au bout de la table, en face de son frère, regarda tour à tour, en interrogeant des yeux, et son frère, Jules, et sa sœur,