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juste. Son affinement intellectuel et moral le rendait susceptible de ressentir toutes les nuances de la mélancolie qui s’attache aux nobles cœurs, nourris malgré eux de trop de solitude et dont la générosité souffre de se voir inutilisée.

La gnome accourut à l’appel de Jean. Il le trouva debout près d’un chevalet. Une toile recouvrait encore le tableau de Jean.

« Qu’y a-t-il, Jean ? » Le gnome fut surpris de la sombre expression du visage du jeune homme, qui d’ordinaire était souriante et sereine.

« Je veux vous apprendre, maître, répondit-il enfin, sortant de sa rêverie, pourquoi j’ai montré ce matin tant de sotte suffisance à l’escrime… Mais, ajouta-t-il d’une voix basse, en serrant les poings avec rage, pourrais-je jamais parler de cet incident de ma vie froidement, l’âme libérée de toute haine… Voyez, maître, finit-il, en repoussant la toile, voyez, ce que je fus en un jour mémorable de honte et de douleur…

Et devant le gnome apparut la scène du dépouillement de Jean dans la forêt. Quelle vérité Jean avait mis dans le moindre détail de ce tableautin, réussi de façon surprenante.

Mais si le gnome admira l’œuvre de Jean, il ne le dit pas. Son regard se porta inquiet sur son élève. L’œil de Jean jetait des éclairs de haine ; sa poitrine haletait sous le poids d’une émotion puissante.

« Jean, dit le gnome doucement, Jean, reviens à toi. Tu ne dois pas laisser affaiblir ainsi ton âme vaillante. Combats ta haine. Vainc-la.