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Jean demeurait pensif, en repliant et en mettant en lieu sûr, la lettre de la mignonne majesté. « Il me faudra la relire de temps à autre, se promit-il. Le royal petit vieillard a une façon persuasive, aussi charmante que solide, de me conseiller ou de m’admonester. »

Il fit quelques pas dans son appartement. Un fumoir, puis un petit salon, sobre et clair, faisaient suite à sa chambre. Il remarqua dans un angle du salon deux tableaux, voilés d’une soie épaisse, impénétrable.

L’audience royale, n’étant fixée que pour dix heures, il décida de se rendre au jardin, dont il apercevait, en ligne droite de sa chambre, une allée déserte. On frappa à la porte du salon. Un sourire sur les lèvres, le jeune homme courut ouvrir. C’était sans doute le joli page courtois qui l’avait escorté la veille. Il lui plaisait déjà beaucoup.

Il poussa un cri de joie profonde. Sa mère se tenait sur le seuil

« Mère, Mère chérie ! » s’exclama-t-il, en la saisissant dans ses bras et en l’entraînant à l’intérieur. Il l’installa dans un fauteuil, l’embrassa, puis se glissa à ses pieds, la figure radieuse

« Que je te regarde bien, à mon tour, mon petit, » dit la douce femme, tremblante d’émotion. Elle prit entre ses mains la belle tête de Jean, la regarda longuement, puis la baisa.

« Tu es transformé ! N’étaient tes yeux, toujours clairs et tendres, je ne saurais te reconnaître. Mais aussi, trois années de luttes, très dures n’est-ce pas, ont laissé des traces. Tu me diras tout, bientôt. Aujourd’hui, je ne veux être qu’à la joie de te revoir, de te presser sur mon cœur. S’est-il serré souvent, mon vieux cœur, en pensant à toi ! »

— Croyez-vous, mère, que je n’ai pas souffert, moi