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un receveur inconnu, le retour de mon mari et de mes fils ? »

Un long silence suivit ces paroles.

« Bien, dit soudain, la même voix parmi la foule, ça serait peut-être mieux, en effet !… M’est avis, les amis, que nous passerons un mauvais quart d’heure, si nous n’écoutons pas la bonne mère, lorsque son homme et ses quatorze gars seront revenus.

— Quand attends-tu les tiens, ma mère ? demanda le bourreau.

— Demain soir, répondit la voix de plus en plus maternellement douce.

— Alors, les amis, alors, que diriez-vous de surseoir jusque là à l’exécution de notre suppôt de Satan ?

— Oui, oui, c’est cela, attendons, répondit la foule, toujours prompte à varier ses décisions et ses sentiments.

— Tôpez là, bonne mère, prononça le bourreau, vous avez gagné votre point. Après tout, continua-t-il, c’est beau, — toujours ! — qu’une femme ait pitié. Et quand avec cela, on peut donner aux hommes de bonnes raisons d’agir suivant ses vues, on est écouté, vénérable mère, mieux que cela, obéi, obéi… Ah ! ça, que faites-vous là, par exemple ? »

En effet, vivement, la mère de Jean avait reculé le bourreau et sans que personne eut pu prévoir ce geste de miséricorde, elle avait arraché au jeune condamné son bâillon. Le pauvre enfant étouffait, le teint violacé… À demi inconscient, il se trouva soudain appuyé à l’épaule de sa mère. Hélas, aucune parole ne put sortir de ses lèvres…

La foule applaudit encore à ce geste, puis peu à peu se dispersa.

Un instant estomaqué par la promptitude du secours, le bourreau se remit vite. Il vint rajuster, mais avec moins de force, cette fois, le bâillon sur la bouche de Jean.

« Bonne mère, en voilà assez, dit-il sévèrement. C’est