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Tout en grimpant lestement dans un arbre, puis dans un autre, Jean sentait de légères piqûres à l’un de ses doigts. Il y porta les yeux ! Il ne vit que l’étincellement du saphir de sa bague. Il comprit et ses sourcils se froncèrent. « Oui, oui, je vais en ce moment au devant du danger que me prédit la bague de mes amis les gnomes, oui, je le devine. Bah ! arrive que pourra ! La princesse d’abord ! »

Il atteignit les grands ormes. Il s’installa sur une branche très haute d’où il pouvait voir sans être vu.

Pauvre petite princesse !… La tête appuyés sur l’arbre même où se dissimulait Jean, elle pleurait. Elle regardait à son doigt la perle des fiançailles. Elle en détournait la tête avec horreur, mais pour y revenir aussitôt… Hélas ! son malheureux sort n’était que trop réel, ce bijou qui lui brûlait la main en était bien la preuve. Un léger bruit la fit se redresser, hautaine. Rochelure s’inclinait devant elle.

« Princesse, pardonnez-moi de troubler votre retraite. Mais la tentation était au-dessus de mes forces. Comment passer par hasard près d’ici, et ne pas m’approcher, ne pas essayer de cueillir au moins un sourire sur les lèvres de ma belle fiancée… Ce serait le premier ! »

La princesse, les yeux baissée, ne bougeait pas. Seules, ses petites mains tremblaient un peu. Rochelure retint un geste de colère à la vue de l’impression pénible qu’il produisait.

« Nos conventions, seigneur, dit enfin la triste et jolie Aube, ne comporte pas de sourires, je crois,… des larmes plutôt, acheva-t-elle plus bas.

— Princesse, reprocha Rochelure, qui plus que moi désire votre bonheur ?

— Pourquoi… oh ! pourquoi me poursuivre jusqu’ici ? Implorer un peu de solitude, est-ce donc me montrer trop exigeante ?… Ne comprenez-vous pas, seigneur, combien votre vue m’est douloureuse, vous… que j’épouse, afin de voir cesser autour de mon père bien-aimé, la plus odieuse… la plus cruelle… la plus longue des persécutions… Ah ! vous n’aurez même pas la charitable pensée de me laisser… quelques semaines de paix, de silence… avant cette union que je redoute ! »