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— Si c’eût été toi, mon frère, qu’on ramenait ainsi, ou… ou…

— André, dis-le donc !

— Oui, mon mari. Oh ! quelles douleurs, il nous faut prévoir sans cesse ici.

— Ma sœur, pardonne-moi de te parler ainsi, mais est-ce que ton cœur qui s’éveille seulement à l’amour, en deviendrait… lâche !

— Mon frère !… tu es impitoyable !

— Viens t’asseoir paisiblement près de moi… Bien… Ton frère est un soldat, Perrine, tu le sais, ton mari également, alors que veux-tu qu’il nous arrive sinon que demain, ou peut-être dans un an, ou plus tard, une mort glorieuse par les armes devienne nôtre ? Ce spectacle que tu as vu, que tu vois sans cesse, mais par son côté le plus misérable, voile donc à tes yeux l’héroïque geste du soldat donnant généreusement, noblement, chrétiennement sa vie pour que nous vivions tous, pour que s’accomplisse l’œuvre civilisatrice et catholique que nous avons entreprise ici. Est-ce juste ? La mort du soldat, la vision de son courage, et non la vue de ce qui reste de lui, une fois son âme sublime de sacrifié envolée, mérite pourtant autre chose que ce sentiment de peur, de révolte et d’horreur. Et si cette mort désirable était bientôt la mienne… tu me regretterais donc ainsi. Quelle misère !