qu’un sophisme. On ne ménage son matériel qu’en ménageant celui de l’ennemi dans la même mesure ; on ne peut se soustraire aux coups dangereux qu’en s’interdisant à soi-même d’en porter ; et, en constatant l’état des bâtiments russes après le combat, on verra que c’est bien ce qui s’est produit.
L’amiral Togo, en prétendant se réserver pour une seconde escadre, risquait de s’en mettre deux sur les bras. Il ne pouvait cependant pas prévoir que cette malheureuse force allait se dissoudre d’elle-même, sans avoir éprouvé d’avaries sérieuses, sans avoir perdu un seul bâtiment. L’aurait-il su que ce n’était pas une raison pour permettre à tous les navires de s’échapper sans encombre et pour laisser cinq cuirassés et un croiseur retourner à Port-Arthur. Puisqu’il avait les moyens de supprimer définitivement cette escadre, son devoir était de s’en servir. Il aurait disposé ensuite de plus de six mois pour réparer ses avaries. Qu’il fût vainqueur, d’ailleurs, et la seconde escadre du Pacifique ne se serait pas mise en route[1].
L’amiral Togo n’obéit à aucune de ces considérations. Rien ne put, ni alors, ni plus tard, le faire sortir de sa circonspection et lui faire engager une action décisive. Peut-être avait-il, lui aussi, un ordre de son empereur qui lui fixait sa ligne de conduite ?
Pendant une heure, la situation reste stationnaire.
- ↑ Si l’escadre de renfort s’était trouvée en Russie, au lieu d’être à Madagascar, lorsque les cuirassés russes furent coulés à Port-Arthur, quatre mois plus tard, elle n’aurait probablement pas quitté le port. Mais le vin était tiré, il fallait le boire.