Cette faute était bien légère en comparaison de celle qui fut commise après la bataille du 10 août, alors que les débris de l’escadre vinrent s’enfermer dans le port.
La place devait-elle se défendre sans le concours de la flotte ? La flotte devait-elle se sacrifier pour Port-Arthur ? Il semble qu’aucun doute n’était possible : les bases d’opérations sont faites pour les bâtiments ; ce ne sont pas les bâtiments qui sont chargés de la défense des bases. La Russie, d’ailleurs, ne devait avoir qu’une pensée, qu’un but reconquérir le commandement de la mer. Sans l’empire de la mer, Port-Arthur succombe fatalement, inexorablement, un jour ou l’autre ; c’est affaire de temps. Avec l’empire de la mer, le Japon se trouve dans l’impossibilité de continuer la guerre sur terre ; son immense armée qui a besoin d’un afflux permanent de munitions ne peut plus se réapprovisionner.
C’est donc Port-Arthur qui se passera du concours des bâtiments ; et la flotte, pour racheter ses fautes antérieures, préparera la voie à l’escadre de renfort en faisant subir des pertes à l’ennemi flottant. Elle succombera peut-être, mais ce sera pour une juste cause ; cela vaut mieux que de se suicider comme un joueur malheureux.
Le gouvernement russe préféra sacrifier la flotte pour prolonger de quelques jours l’agonie de Port-Arthur, sans se douter qu’il commettait ainsi une faute irréparable. Pour lui, Port-Arthur symbolisait la domination russe en Extrême-Orient, et afin de voir flotter plus longtemps le pavillon russe sur des forts à moitié ruinés, il a perdu la seule chance de rétablir cette domination. Évidemment le souvenir de Sébastopol planait sur cette forteresse ; mais, en Crimée, la situation était bien diffé-