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fidèle ami !… Amène-le ici. Je ne veux pas que personne ait le spectacle de ma douleur… Mais, j’y pense, n’y va pas. On te ferait encore du mal, à cause de moi.

— Je n’aurai pas loin à aller, répondit avec douceur Kinaetenon. Feu est là, à la porte de la tente. Ma sœur l’a traîné ici en riant de tout son cœur du chagrin qu’elle nous causerait à tous deux.

— J’ai entendu rire ta sœur en effet, dit Charlot, mais je ne me doutais guère de la raison de ce rire. Va. Kiné, traîne ici mon Feu. Je veux le voir une dernière fois, avant que nous l’enterrions tous deux. Car, on serait capable de le voler, mon bon chien, pour le manger ensuite. Et cela, je ne le veux pas. Toi, non plus, je suis sûr, Kiné. »

Kinaetenon obéit. Puis, ayant placé le corps de l’animal tout près de Charlot, qui s’était assis, avec de grosses larmes dans les yeux, il quitta vivement la tente. Charlot l’entendit bientôt. Il murmurait un chant lugubre, un chant de mort, commun chez tous les sauvages, en pareilles occasions.

Charlot pleurait en considérant de plus près la pauvre bête. Qu’elle était maigre, qu’elle paraissait épuisée par la longue randonnée il travers la forêt, sans nourriture souvent, menée rudement par un maître d’occasion, tel qu’en témoignait le cou meurtri de l’animal, tout près du collier. Pensive-