Page:Daveluy - L'esclave des Agniers, 1933.djvu/74

Cette page a été validée par deux contributeurs.

que le mari était allé se réfugier près du mort.

Avant de perdre conscience de tout, Charlot entendit la mégère crier à son mari : « Un couteau, un couteau, lâche, qui ne m’aides pas à finir l’assassin de notre enfant ».

— Mon Dieu ! mon Dieu ! pria Charlot, prenez-moi en pitié… » Puis, il sentit que toute vie l’abandonnait…

À ce moment, pourtant, le secours venait. Kinaetenon était entré juste à temps alors que le couteau de la femme sauvage allait faire son œuvre avec Charlot. Sans prononcer une parole, mais avec une vigueur qui témoignait de son émotion et de sa fureur, Kinaetenon avait maîtrisé la mégère ; elle-même d’ailleurs, paraissait maintenant épuisée par l’affreux accès de brutalité sanguinaire auquel elle s’était livrée.

— Sœur, vous n’avez pas honte de profaner ainsi la demeure où repose votre petit défunt ? avait prononcé, sans beaucoup élever la voix, et les dents serrées, le pauvre Kinaetenon. Il avait enlevé le châle qui couvrait ses épaules, en avait enveloppé en un clin-d’œil le corps inerte, ensanglanté de Charlot ; puis, doucement, l’avait pris entre ses bras. Avant de quitter la tente, une dernière fois, il lança de nouveaux et véhéments reproches à sa sœur. Elle s’était jetée sur le lit de son enfant, elle gémissait, les cheveux épars, ses bras s’élevant et s’abaissant sans arrêt : « Honte, honte, avait-il dit, à vous, ma sœur, qui n’avez pas su res-