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Normanville m’accompagnera à la salle de garde, tandis que tu te prépareras ».

Oh ! mon Charlot, je dus donc m’incliner devant l’inflexible vouloir du Commandant. Je partis sans toi, hélas, pour les noces de Marie-Madeleine, notre amie. Que de projets nous avions pourtant bâtis, tous ensemble, autour de ses belles fêtes du 12 octobre de l’an de grâce 1646.

Et toi, mon frère chéri, que faisais-tu à cette même date, là-bas, là-bas ? Oh ! dis-moi, dis-moi ?

L’hiver dernier fut très doux dans nos parages, mon frère. Les vieux sauvages s’en sont montrés eux-même surpris. Ils comptaient devant nous je ne sais quel nombre fantastique de « lunes » depuis l’avènement d’une pareille température favorable. À Québec, ce fut de même. J’entendais le Père Jérôme Lalemant dire au Commandant, à sa visite de juin dernier aux Trois-Rivières : « Commandant, quelle clémence il y eut dans le ciel tout l’hiver dernier ! Ce fut, vraiment, un hiver sans hiver, » n’est-ce pas ? Même le vin, au calice, n’a gelé qu’une foie durant nos nombreuses messes quotidiennes ».[1] Extraordinaire, extraordinaire dans ce pays canadien ! »

Nous n’eûmes pas à craindre la disette,

  1. « Paroles authentiques ».