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là ! Le Père Daniel se tenait près du tabernacle, debout, revêtu du surplis et de l’étole. Calme, rempli d’une force surnaturelle qui rayonnait et en imposait à tous, « il baptisait les uns, donnait l’absolution aux autres et les consolait tous de l’espérance la plus douce des saints, n’ayant d’autres paroles en bouche que celles-ci : « Mes frères, mes frères bien-aimés, nous serons aujourd’hui dans le Ciel ».[1]

Soudain, d’horribles clameurs éclatèrent tout près de la chapelle. Sans doute, les Iroquois venaient d’être avertis que les plus belles captures se trouvaient encore à la chapelle, où les Hurons, en grand nombre, se massaient sans doute autour du Père.

À ces bruits terribles, dont la signification n’échappait à personne, le Père Daniel se redressa, sa figure revêtait cet éclat extraordinaire des saints accueillant le martyre pour eux d’abord, afin de sauver le petit troupeau confié à leurs soins. Il dit, scandant chaque mot avec une affection toute céleste : « Fuyez, fuyez mes frères, et portez avec vous votre foi, jusqu’au dernier soupir. Pour moi, je dois mourir ici, tandis que j’y verrai quelques âmes à gagner pour le Ciel : et y mourant pour vous sauver, ma vie ne m’est plus rien. Nous nous reverrons dans le Ciel.[2]

Charlot, avec un cri de douleur et d’admiration vit alors l’héroïque Jésuite sortir de la

  1. Voir La Relation de 1649
  2. Ibid.