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Mon Dieu !… Cela ne me semble pas encore possible. Lui, si brave, si prudent, rempli d’expérience et de sagesse, habile à tous les arts du canotier, s’être noyé ! Noyé avec François Marguerie ! sous nos yeux mêmes ! Et puis, Charlot, je le dis en ce moment, non plus en rougissant, mais en pleurant… qu’il était aimant et bon pour ta Perrine ! Nous attendions ton retour pour t’annoncer la nouvelle… de notre union prochaine… Pauvre, pauvre Jean ! Il t’en voulait de retarder notre bonheur par ton goût, ta recherche des aventures. Mais je lui répliquais chaque fois avec un soupir qu’il fallait t’excuser parce que tu ignorais cet amour de ta Perrine… que je ne t’avais pas avoué parce que je n’osais me l’avouer à moi-même, avant que les circonstances ne m’y aient pour ainsi dire forcée.

Mais reprenons d’un peu plus haut… Oh ! attends, attends… mon chéri… que j’essuie d’abord mes larmes… Elles m’aveuglent. Oh ! Jean, mon bien-aimé, vois comme ma douleur brûle. Mais dis, dis, elle ne te tourmente pas. Là-haut… Si cela était… pardonne-moi, prie pour moi. Je n’ai plus de forces, moi…

Charlot, la peine me fait délirer, n’est-ce pas ? Songe donc, il n’y a pas trois semaines encore, Jean était auprès de moi, gai, empressé, affectueux, sans le moindre pressentiment de l’approche de la grande voleuse de bonheur : la mort !