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regardant vers leurs compagnons.

Tous les habitants, la tête basse, reprirent avec Le Moyne le chemin de retour. Charlot les suivit de loin. Dans le brouhaha de l’incident, on l’avait peu remarqué. D’ailleurs, son amaigrissement, sa taille devenue plus haute, plus ferme, plus virile empêchaient tous ces colons du Montréal, qui avaient vu le jeune homme une fois, deux fois, peut-être, en leur vie, de le bien reconnaître ou de prononcer son nom en l’apercevant. Il avait fallu les yeux pleins d’affection profonde de Normanville pour ne plus hésiter un seul instant à le reconnaître, voyant ainsi apparaître à l’improviste ce jeune homme inconnu, enveloppé d’un large manteau…

« Et maintenant, se dit Charlot avec tristesse, que va-t-il advenir de Normanville. Il est en des griffes que je connais bien, qui se desserrent avec peine sur toute proie devenue leur… Mais je ne quitte pas Le Moyne, où qu’il aille, quoi qu’il fasse… C’est une tête froide et avisée que celle de Le Moyne… Et celle de M. de Maisonneuve, donc ! Mais tout de même, je connais ces barbares mieux qu’eux maintenant, et ma jeune expérience, je vais aller la mettre à leur service… Mon pauvre et bon Normanville !… Ah ! ils le paieront cher, s’ils touchent à un seul cheveu de sa tête… »