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Une halte fut décidée, à la vive contrariété de Charlot, qui aurait voulu courir à travers la nuit, si on eût voulu l’écouter.

Dès quatre heures, on se remit en route. Le froid était assez vif. Partout on rencontrait des flaques d’eau recouvertes d’un verglas qui cédait sous les pas et souvent coupait et ensanglantait les jambes de Charlot et des sauvages. Vers midi, le soleil disparut, de gros nuages bas et gris annoncèrent l’une de ces tempêtes de pluie glaciale et pénétrante. L’on allait en soufflant sur ses doigts qui rougissaient, puis bleuissaient. Enfin vers le soir, la pluie se transforma en une neige lourde qui couvrit si bien le sol, que l’on n’avançait plus que lentement, crainte d’enfoncer dans quelques trous invisibles.

Il fallut choisir un coin pour cette nouvelle nuit. Charlot devenait de plus en plus sombre et ne répondait qu’avec peine à ses compagnons, pourtant très laconiques, eux aussi. Un peu d’espoir soutenait encore le cœur du jeune homme. Dès le lendemain matin, on ne marcherait plus avec cette gêne pénible et douloureuse, non, on monterait dans le canot. Les eaux de la Rivière des Iroquois, libérées de toutes glaces depuis le début d’avril, brillaient là, tout près de lui, et les porteraient bien vite vers le Fort Richelieu. Là, il apprendrait sûrement quelques nouvelles, il saurait vers quel côté s’étaient dirigés les ravisseurs, vers les Trois-Rivières, où vers