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— Contrariée, oh ! non, Jean. Surprise tout au plus. Charlot devient par trop cachottier depuis quelque temps, conclut Perrine, en souriant et en menaçant son frère du doigt.

— Et toi, ma sœur, trop avare de ta présence dès que mes amis sont auprès de moi, glissa entre haut et bas Charlot, tout en achevant de boucler son ceinturon, avec l’aide de Kinætenon. Celui-ci ne perdait aucun détail de vue, et toujours son regard finissait par se poser sur les cheveux d’or de Perrine. De la vénération tout autant qu’un vif sentiment se peignaient dans ses yeux. Cela commençait à n’être plus un secret pour personne que cette attirance extraordinaire de Kitætenon pour Perrine. Peut-être, le Commandant de la Poterie, qui voyait comme tous cette préférence, jugeait-il plus prudent de bien entourer Perrine et Charlot en toute occasion tant que cet Iroquois demeurerait aux Trois-Rivières. Il en donnait une nouvelle preuve dans la solide escorte qu’il donnait aux promeneurs cet après-midi même.

Cette petite scène amicale se passait donc au Fort des Trois-Rivières, en la Nouvelle-France, le 11 mai 1646, exactement. C’est là que nous venons de retrouver nos jeunes amis, Perrine et Charlot, ces orphelins normands, recueillis par la noble famille de Repentigny, il y avait dix ans. Perrine comptait maintenant dix-huit années. Elle était demeurée aussi simple, prudente, avisée et bonne qu’aux jours de son enfance. Et combien sympathique et gracieuse, avec ses grands yeux bleus suppliants, ainsi que venait de le dire, l’espiègle Marie de la Poterie. Charlot, lui, était devenu un brave fantassin de dix-sept ans ; un tireur extraordinaire, ce qui compensait pour sa constitution physique, pas très vigoureuse. Avait-il donc hérité de la faiblesse de poitrine de sa mère ? Perrine le craignait fort, parfois. Il jouait aussi, en musicien consommé, de la flûte. Ce petit instrument ne le quittait jamais et voisinait avec ses pistolets et son épée. Les Sauvages prisaient fort son talent de flûtiste et aussi sa connaissance des diverses langues indigènes. Le soldat Le Jeal était vraiment très populaire, soit chez les Hurons, soit chez les Algonquins. Le caractère de Charlot ne s’était pas plus modifié que celui de Perrine. Il était toujours impulsif, enthousiaste, chercheur d’aventures, fort attachant aussi. Il adorait Perrine, qui le manœuvrait assez bien à l’occasion, lorsque la foudroyante spontanéité du jeune homme ne venait pas se mettre à la traverse. Charlot aimait et admirait aussi de tout son cœur l’un des plus célèbres, des plus vaillants interprètes des Trois-Rivières, Thomas Godefroy de Normanville. L’attitude chevaleresque de celui-ci